Rapport d’activité du séminaire

2015-2016

Le séminaire s’est tenu durant sept séances, deux des  premiers vendredis du mois étant fériés entre septembre et mai.
Rappel du Programme :
2 octobre 2015 : Jean-Philippe Priotti, Université du Littoral : « Marchands, consulats et État entre Castille et Pays-Bas (début XVIe siècle) ». Du minitel au Web. Enjeux économiques et de régulation
6 novembre 2015 : Valérie Shafer, CNRS, ISCC : « Du minitel au Web. Enjeux économiques et de régulation »
4 décembre 2015 : Nadège Sougy, LARHRA : « L’Etat et l’horlogerie genevoise au XIXe s. ».
5 février 2016 : Jorge Gelman, « Les réformes étatiques entre l’Amérique hispanique et l’Espagne au XVIIIe siècle ».
4 mars 2016 : Cecilia d’Ercole, EHESS, « Etat et entreprises de guerre dans l’Antiquité ».
1er avril 2016: Lynda Weiss, Université de Sydney: “Hybrid state, hybrid capitalism, and American anti-statism”.
3 juin 2016 : Florence Hachez Leroy, Université d’Artois/CRH: « État, science et industrie dans l’alimentation XIXe-XXe siècle »

Rapport synthétique
Le thème  général de recherche du séminaire « Etat entreprises et marchés » s’est orienté dans plusieurs directions à travers l’Antiquité, l’époque moderne et contemporaine.

1.La fixation des normes et de la régulation

Du côté des entreprises, il est apparu dans plusieurs communications que l’innovation technique pouvait entraîner le développement de nouveaux marchés de biens de consommation. L’Etat est alors appelé organiser ce marché et à en fixer des règles pour l’expansion et/ou la protection du marché. Tel est le cas de l’horlogerie genevoise, dont N. Sougy a montré la constante recherche de protection de l’Etat pour faire face à la concurrence des autres cantons ou de l’étranger (Etats-Unis). Ainsi en est-il également pour l’usage de colorants dans l’alimentation, qui s’est développé dans la confiserie dans la deuxième moitié du XIXe s ou bien encore du cuivre par les conserveurs (F. Hachez-Leroy).
Sur le marché des additifs et des colorants alimentaires étudiés par F. Hachez-Leroy, les progrès de la recherche scientifique sur l’hygiène et la santé ont pu aussi constituer une source d’intervention réglementaire de la part de l’Etat qui a suivi peu ou prou les recommandations de la faculté de médecine et du comité consultatif d’hygiène publique en France au nom du principe de précaution. Toutefois, la  nocivité des produits est parfois méconnue, comme l’aluminium qui n’est pas considéré  en France au 19e s comme étant nocif).
Les périodes les plus propices à la fixation des règles par l’autorité publique semblent être celles qui suivent les conflits. Par exemple, les guerres ont engendré des besoins de défense, obligeant alors les autorités à instaurer des règles. Ainsi en est-il pour les liturgies en Grèce antique qui obligent les hiérarques à contribuer à la défense de la Cité-état en finançant des trières (C. d’Ercole).
Ou bien – c’est le plus courant – les conflits ont poussé à l’innovation technique ou à la découverte scientifique et ont alors modifié les rapports entre Etat et entreprises privées. C’est le cas pour les innovations technologiques qui déclenchent après la 2e guerre mondiale un phénomène d’hybridation du capitalisme aux Etats-Unis (guerre  froide, guerre du Vietnam) comme l’a souligné L. Weiss.
Enfin, la réglementation des marchés est souvent issue d’une circulation des idées entre les pays, les régulateurs s’inspirant de modèles étrangers ou bien calquant les règles sur celles d’autres pays. On le voit dans la législation sur les matériaux de contenance et sur les additifs alimentaires par exemple, dans lesquels les Etats-Unis ont un rôle pionnier. Ou bien encore lorsque au XVIes. la législation commerciale en l’Amérique du Sud est calquée sur celle du colon espagnol (J. Gelman).

2 État et entreprises

La dimension des relations entre Etat et entreprises a fait l’objet de présentations et discussions. La variété des rapports entre les deux, le fait que les entreprises soient ou non en situation de monopole incitent à des conclusions nuancées. Ainsi a-t-on pu constater le rôle des lobbies pour la fixation des normes sur le marché de l’horlogerie genevoise  ou encore découvrir le poids des conserveurs sur l’administration, mais tel n’est pas le cas pour d’autres domaines comme les additifs alimentaires, dans lequel les médecins et les scientifiques ont pesé de manière déterminante.
V. Schafer quant à elle a montré que l’histoire de l’internet en France se conjugue avec un retard économique et technique dû à l’action conjointe de l’État et de certaines  entreprises. Les controverses et la nécessaire régulation dans ce domaine, faites de continuités et de ruptures, ont finalement obligé l’État à repenser son rôle.
L’idée d’un capitalisme hybride aux Etats-Unis vient  à contrecourant des idées reçues sur la tradition américaine ‘anti-état’. L. Weiss a démontré combien le capitalisme américain pouvait offrir de combinaisons entre secteur public et entreprises privées, notamment dans le domaine de la sécurité.
Plus largement, le rôle des institutions dans la croissance, souvent mis en avant par le courant institutionnaliste, a été remis en question par J. Gelman: les institutions coloniales n’auraient pas joué un rôle néfaste dans la croissance économique de l’Amérique du Sud avant les indépendances.
Présentés par C. D’Ercole, les rapports entre les riches marchands, artisans  ou propriétaires en Grèce antique (les hiérarques) ont donné lieu à des discussions sur la nature de ce financement plus ou moins volontaire de leur part : entre le mécénat et l’impôt, ce mode de financement privé d’un secteur commun incite à la prudence dans les comparaisons inter-périodes.

3 Entreprises et marchés

Différentes formes de commerce ont été envisagées, notamment avec l’étude de pays mono produits  et mono exportateur  comme l’Amérique du Sud  (or et argent) et la Suisse (l’horlogerie). J. Gelman a montré que la politique commerciale de l’Espagne dans les colonies sud-américaines au XVIe siècle (le commerce intérieur libéré) a permis un essor de la croissance et que la mono exportation de minerai a plutôt contribué au développement économique du continent sud-américain. A travers des correspondances marchandes, J.-P. Priotti  a analysé les réseaux marchands dans le commerce entre les Pays-Bas et l’Espagne au XVIe siècle en mettant en relief les liens d’origine géographique, culturelle ou linguistique qui ont favorisé les échanges  entre les deux pays et également vers les Amériques.