L’histoire de Lip

Table ronde autour des livres Opening The Gates: The Lip Affair 1968-1981 de Donald Reid et Pourquoi ont-ils tué Lip ? De la victoire ouvrière au tournant néolibéral de Guillaume Gourgues et Claude Neuschwander

Organisée par Jérôme Bourdieu et Patrick Fridenson

En 1973, face à des licenciements massifs, les ouvriers de la manufacture horlogère Lip de Besançon ont occupé leur usine pour exiger que personne ne perde son emploi. Grâce à la vente du stock de montres dont ils se sont emparés, ils se paient leurs propres salaires en adoptant un slogan célèbre : « C’est possible ! On fabrique, on vend, on se paie ». C’est une expérience d’autogestion sans précédent, c’est l’imagination au pouvoir, pour reprendre le titre du documentaire exceptionnel qu’a réalisé Christian Rouaud en 2007.
Deux livres récents reviennent sur cette expérience historique qui marque un tournant dans l’histoire du mouvement ouvrier.
Le premier est écrit par Donald Reid, professeur à l’University of North Carolina. Historien du travail qui s’intéresse à 1968 dans la longue durée, il revient à partir d’archives originales sur la manière dont s’est inventée la créativité qui caractérise le mouvement des Lip.
Le second, écrit par Guillaume Gourges et Claude Neuschwander revient sur la fin de l’expérience de Lip et la mise en faillite de l’entreprise. À partir du récit de Claude Neuschwander, le patron qui avait été choisi par le patronat et l’État pour assurer la relance de Lip, une autre lecture de cet événement apparaît. Pour eux, il faut considérer la fin de Lip non comme les conséquences de la mauvaise gestion d’une entreprise intrinsèquement non rentable, mais comme le résultat d’une stratégie délibérée, comme l’expression de la volonté du pouvoir patronal et étatique de mettre un terme à une expérience politiquement dangereuse pour le maintien de l’ordre social.
Ces deux ouvrages rappellent que le fonctionnement de l’économie se fonde largement sur des choix politiques, que les modes de fonctionnement des entreprises sont le reflet d’un ordre politique, en particulier, que les licenciements n’ont pas toujours été considérés comme une loi du marché ou une variable d’ajustement nécessaire à la compétitivité des firmes. À ce titre, ils débouchent sur une lecture nouvelle de l’ordre néolibéral actuel qui s’enracine précisément dans cette seconde moitié des années 1970.

Discutants

  • François Denord (CESSP – CNRS)
  • Patrick Fridenson (CRH – EHESS)
  • Frank Georgi (CHS – Université Paris 1)
  • Michelle Zancarini-Fournel (Larhra – Université Lyon 1)

Informations pratiques

Lundi 25 mars 2019 de 15h à 18h
EHESS (Salle 13)
105 boulevard Raspail, 75006 Paris

Contact

jerome.bourdieu@ens.fr
patrick.fridenson@ehess.fr